Feuille de route du bureau français des e-fuels : une opportunité unique pour l’économie tricolore
Face au dérèglement climatique, atteindre la neutralité carbone est un impératif* qui implique de décarboniser tous les secteurs, même les plus dépendants aux ressources fossiles, avec des solutions rapides à mettre en œuvre et déployables à grande échelle.
Notre objectif
Les e-fuels s’affirment depuis quelques années comme l’une des alternatives majeures aux carburants fossiles pour l’industrie et les transports aérien et maritime. Leur développement nécessite :
- D’apporter éclairages et soutien aux politiques publiques visant à les promouvoir pour décarboner l’industrie et transport lourd,
- De les faire connaître au grand public comme une solution pour les usages les plus difficiles à décarboner,
De favoriser l’émergence d’un savoir-faire et de leaders du secteur pour participer à la réindustrialisation de notre économie.
Et au-delà de la problématique des e-fuels, il s’agit avant tout de contribuer à apporter de l’espoir dans un monde submergé par la résignation et parfois le déni face aux dérèglements climatiques perçus comme inéluctables, voire insurmontables.
A cet effet, tous les leviers doivent être activés en les priorisant en fonction de leur « merit order » : il s’agit d’abord de favoriser la sobriété et l’efficacité énergétique. Ensuite d’électrifier les usages pour tous les secteurs qui le permettent, dont la mobilité légère, le tertiaire et le résidentiel. Enfin, il convient de fournir des solutions aux secteurs qui ne peuvent pas être décarbonés sans de nouvelles molécules, telles que les biocarburants et les carburants de synthèse aussi appelés « e-fuels ». C’est en particulier le cas pour la mobilité lourde (aérien et maritime) en raison de la puissance énergétique qui leur est nécessaire, et pour certaines industries chimiques qui exploitent ces intrants.
*Face au dérèglement climatique, les signataires de l’Accord de Paris en 2015 ont fixé l’objectif de limiter le réchauffement planétaire à 1,5°C par rapport au niveau pré-industriel. Les scientifiques estiment plutôt que les engagements actuels induiraient une hausse de la température de l’ordre de 3 à 4°C à horizon 2100.
Une ré industrialisation au croisement de l’hydrogène et du carbone
Les premiers projets d’e-fuels* apparaissent dans le monde, et la France comme de nombreux pays, est sur la ligne de départ. Faute d’un engagement fort de l’État, des territoires et des parties-prenantes (industriels, chercheurs, investisseurs notamment) sur la décennie 2020, la filière française risque de faire face à une concurrence accrue d’e-fuels importés, réduisant à néant l’opportunité de développer un savoir-faire à l’export et accentuant davantage sa dépendance industrielle et énergétique.
Pour autant, la France bénéficie de trois avantages compétitifs pour se placer à l’avant-garde de cette nouvelle filière :
- La production d’une électricité nucléaire en base, tout au long de l’année, qui est parfaitement adaptée aux besoins des électrolyseurs actuellement disponibles, complétée par une électricité d’origine renouvelable en croissance (éolien, solaire photovoltaïque notamment).
- L’existence sur notre territoire de grandes plateformes industrielles intégrées, capables de fournir les services, les équipements et les compétences nécessaires.
La dynamique des filières aéronautique, maritime et chimique bénéficiant d’acteurs engagés dans la décarbonation de leurs activités à l’image d’Air France-KLM, CMA-CGM, Airbus, Safran, Dassault et ARKEMA.
*Les e-fuels sont des molécules produites en combinant de l’hydrogène bas-carbone (issu de l’électrolyse de l’eau) avec du dioxyde de carbone capturé dans les activités industrielles, biogéniques ou dans l’air. Il s’agit de stocker chimiquement une électricité bas-carbone (nucléaire ou renouvelable) dans des molécules identiques aux carburants conventionnels provenant de ressources fossiles (ammoniac, méthanol ou kérosène). En fonction de leur approvisionnement électrique et en carbone, les analyses en cycle de vies démontrent que les e-fuels permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 70% à 95% par rapport aux références fossiles.
L’électricité bas-carbone au coeur de la stratégie française pour les e-fuels
Le coût de production des e-fuels réside principalement dans l’alimentation électrique des électrolyseurs représentant entre 50% et 75% du coût final.
La compétitivité des projets français dépendra de leur capacité à sécuriser des contrats d’achat d’électricité bas-carbone sur le long terme à un prix suffisamment bas.
Sous réserve des modalités permises par la réforme européenne du marché de l’électricité, l’Etat aura un rôle essentiel à jouer avec deux phases :
- La première, s’assurer qu’une partie de la production d’électricité bas carbone nationale puisse être allouée aux projets d’e-fuels pour permettre l’émergence d’une filière stratégique qui satisfera les engagements de la France à l’échelon européen d’ici 2035 (besoin estimé entre 15 et 20 TWh par l’Observatoire français des e-Fuels).
- La seconde, lancer le développement massif de moyens additionnels de production d’électricité bas carbone, nucléaire et renouvelables, afin d’accompagner après 2035 l’accroissement des besoins liés à la décarbonation de l’économie dont l’aviation et le maritime.
L’industrie française est prête et mobilisée avec pas moins de 9 projets de plus de 50 000 tonnes par an en développement recensé par le premier Observatoire français des e-fuels publié en juillet 2023 par le Bureau français des e-fuels. Bien que très importants, les besoins en électricité, en eau et en carbone restent absorbables. Ces projets sont sources d’industrialisation, impulsant des synergies dans les territoires avec une répartition équilibrée dans l’Hexagone. Ils auront un impact majeur en matière de création d’emplois, de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de rééquilibrage de la balance commerciale.
BUREAU DES E-FUELS : UNE AMBITION AU SERVICE DE LA TRANSITION ENERGETIQUE
Convaincu du rôle crucial de cette filière embryonnaire dans les politiques nationales et européennes, le Bureau français des e-fuels souhaite déployer une feuille de route afin d’amorcer les solutions d’aujourd’hui qui répondront aux objectifs de demain, et d’enrayer le retard accumulé dans notre lutte contre le changement climatique. Les secteurs qui étaient les plus difficiles à décarboner bénéficient désormais de solutions matures qu’il est impératif de soutenir, afin d’atteindre la neutralité carbone le plus rapidement possible et de promouvoir une économie vertueuse. Pour cela, il faut en priorité :
- Développer les premiers projets nationaux de production d’e-fuels dans les territoires ;
- Apporter un éclairage sur les améliorations technologiques et industrielles nécessaires ;
- Sécuriser des capacités existantes et additionnelles d’électricité bas-carbone ;
Créer une filière de pointe en France avec des références domestiques que l’on puisse exporter à l’international.
L’élaboration d’une feuille de route ambitieuse implique une collaboration étroite entre les différents acteurs. Les industriels jouent un rôle clé en investissant dans la recherche et le développement des briques technologiques et en déployant des premiers projets à échelle industrielle sur l’ensemble du territoire. Les consommateurs ainsi que les fournisseurs de CO2 sont tout autant engagés dans l’essor de la filière en prenant part, à l’amont ou l’aval, aux projets d’e-fuels. Les pouvoirs publics ont enfin une responsabilité primordiale : mettre en place des politiques favorables en instaurant un soutien ferme à la filière avec des mécanismes à la production tels que des subventions publiques et des dispositifs d’achats d’électricité sécurisants et compétitifs, et des mécanismes à la consommation tels que des schémas de certification et des seuils d’incorporation par secteur. En travaillant ensemble, nous pouvons décarboner notre économie encore bien trop ancrée dans les ressources fossiles.
Le Bureau français des e-fuels, lancé en juillet 2023, a vocation à réunir industriels, consommateurs, professeurs, chercheurs, fournisseurs et financiers pour promouvoir une filière française vertueuse, compétitive et durable. En fédérant tous les acteurs de la chaîne de valeur et au-delà, en informant tous les publics concernés, en vulgarisant avec pédagogie et en mettant en lumière les enjeux clés, le Bureau souhaite investir toute l’énergie de ses membres dans la promotion d’une filière nationale pour faire de la France l’une des cheffes de file de la production et de la consommation des e-fuels dans le monde.
Le Bureau français des e-fuels est à l’origine de l’Observatoire français des e-fuels, réalisé par Sia Partners, qui propose une cartographie de la filière mise à jour régulièrement (revue des projets et des briques technologiques, besoins en intrants, impacts socio-économiques et environnementaux) à destination des pouvoirs publics, des journalistes et de la société civile.